La spéciation du Fe et du Mn des silicates est une source d'informations clefs sur les processus de formation des roches, que ce soit pour évaluer les conditions redox ou bien les conditions pression-temperature (via des géothermomètres). La quantification de chaque spéciation de Fe et/ou de Mn (Fe2+, Fe3+, Mn2+, Mn3+, et quelquefois Mn4+) est donc primordiale, mais elle est rarement réalisée en raison de contraintes techniques ; les formules structurales sont ainsi souvent calculées en supposant que tous ces cations sont sous forme divalente.
Pour y remédier, différentes techniques ont été envisagées, notamment la microsonde électronique (EMP), la spectroscopie photoélectronique X (XPS) ou la spectroscopie d'absorption X aux seuils K. Mais les minéraux contenant du Fe et du Mn présentent souvent des hétérogénéités chimiques à si petite échelle qu'aucune de ces méthodes n'offre une résolution spatiale idoine. La spectroscopie de perte d'énergie des électrons (EELS) a été présentée comme une technique efficace pour évaluer l'état d'oxydation de Fe et Mn à une échelle submicrométrique (van Aken et Liebscher 2002). Néanmoins, cette approche utilisant un faisceau d'électrons peut être délicate d'utilisation et induit parfois des dommages à l'échantillon, tels que la réduction des cations dans certains minéraux fragiles (e.g. les phyllosilicates ; de Groot et al. 2010).
La spectroscopie XANES aux seuils d'absorption L2,3 apparaît comme une alternative efficace (Bourdelle et al. 2013, 2021). En effet, les énergies des rayons X incidents sont faibles aux seuils Fe,Mn L2,3 (630-730 eV), ce qui permet une résolution spatiale élevée (< 30 nm dans les installations synchrotron existantes). De plus, le faisceau X incident endommage moins l'échantillon que l'EELS. Sur la base d'analyses XANES obtenues par STXM (Scanning Transmission X-ray microscopy) sur différents standards silicatés, nous proposons une calibration permettant de quantifier les spéciations du Fe et du Mn dans des cristallites submicrométriques. Un protocole est proposé pour obtenir des cartes quantitatives de ces spéciations avec une résolution spatiale de 20 à 40 nm. Cette approche a été appliquée avec succès sur plusieurs cas d'étude, notamment des silicates présentant plusieurs spéciations de Fe et Mn avec des hétérogénéités à très petite échelle.