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La carbonatation des roches ultrabasiques contrôlée par l'activité tectonique : observations de terrain en Serbie et possible implication pour les projets de séquestration du CO2 par minéralisation
Pierre Gautier  1@  , François-Xavier Masson, Erwan Hallot  1@  , Philippe Boulvais  1@  
1 : Géosciences Rennes
Université de Rennes, Institut National des Sciences de l'Univers, Observatoire des Sciences de l'Univers de Rennes

Les réactions de carbonatation sont très étudiées dans la perspective d'un stockage pérenne du CO2 atmosphérique. Quasiment toutes ces réactions impliquent une augmentation significative du volume solide. Une question débattue est de savoir si ceci amène la réaction à s'éteindre rapidement, par comblement de la porosité et chute de la perméabilité, ou si un processus de fracturation induite par la réaction exovolumique pourrait maintenir le cheminement des fluides. Des travaux expérimentaux suggèrent que la fracturation induite n'apparaîtrait qu'à très faibles pressions. Lorsque l'assemblage silicaté initial est magnésien, riche en olivine, pyroxènes ou serpentine, la carbonatation aboutit souvent à la formation de magnésite (MgCO3). La magnésite est fréquemment observée dans les massifs de roches ultrabasiques, sous la forme de réseaux de veines connus sous le nom de dépôts “de type Kraubath”.

Les nombreux dépôts de type Kraubath affleurant le long des Dinarides-Hellénides ont une géométrie arborescente : un réseau dense de veines fines (stockwork) constitue la partie supérieure du dépôt ; des veines moins nombreuses mais plus épaisses en constituent la partie inférieure. Les stockworks ont pour encaissant des roches ultrabasiques dégradées dans un profil d'altération et sont formés à des profondeurs plus faibles que 100 m. En Serbie, notre étude montre que les veines de la partie inférieure de l'arborescence se sont mises en place selon un réseau de failles normales, et de zones de cisaillement coïncidant avec des couloirs serpentineux, durant le fonctionnement de ces structures. A l'inverse, dans les stockworks sommitaux, on ne trouve pas d'indice d'un contrôle tectonique durant la mise en place des veines.

Notre interprétation : dans les stockworks, la carbonatation se développerait de façon autonome grâce à la fracturation induite ; en-dessous, celle-ci serait inhibée et la circulation des fluides ne serait maintenue qu'à la condition d'une déformation contemporaine d'origine tectonique. De fait, cette déformation est enregistrée par les réseaux de veines situés sous les stockworks. Si cette analyse est correcte, une conséquence pratique peut en ressortir : dans les projets de stockage du CO2 par carbonatation in situ de roches ultrabasiques, il vaudra mieux limiter les forages d'injection à des profondeurs plus faibles que 100 m.


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