De nombreuses études suggèrent que l'hydratation et les surpressions de fluides dans les profondeurs des zones de subduction tendent à limiter le couplage interplaque et favoriser les glissements lents au détriment des grandes ruptures cosismiques. Cependant, la mise en évidence des circulations des fluides en profondeur reste un défi.
La zone de subduction des Petites Antilles du Nord est très fortement hydratée en raison de la subduction d'un socle océanique en partie constitué de roches mantelliques serpentinisées affectés par des zones de fractures denses, profondes et réactivées par la flexion de la plaque. Par exemple, au large d'Antigua-Barbuda, la zone de fracture 15-20 et le patch de Jacksonville, formé le long d'un segment de la ride d'accrétion lente, dominé tectoniquement, entrent en subduction sous la marge. Ce segment de marge est lui-même profondément érodé par la base et fracturé par le système de failles extensive de Tintamarre qui semble s'enraciner sur le contact interplaque. Ce segment offre donc un excellent laboratoire pour l'étude de la circulation des fluides profonds.
Au cours des campagnes Antithesis et Manta-Ray, nous avons enregistré des données sismiques multitrace, grand angle et bathymétriques ainsi que des mesures du flux thermique. Ces données montrent conjointement que le système de failles de Tintamarre est associé à de nombreux volcans de boue, à une anomalie thermique positive et à une anomalie de vitesse négative. Ces caractéristiques suggèrent une forte porosité crustale et une migration de fluides chauds profonds conduite par les failles, et qui pourraient provenir de la compaction et de la déshydratation des sédiments en subduction ainsi que des réactions de déshydratation des serpentines en profondeur.
Ces données révèlent donc une vigoureuse migration de fluides à travers la marge des Petites Antilles du nord, depuis la plaque plongeante jusqu'au plancher océanique de la marge. Ce segment de marge a subi très peu de séismes chevauchants qui sont par contre nombreux dans les segments adjacents. Nous proposons donc un lien entre la très forte hydratation et la quiescence sismique du contact interplaque dans la subduction de Petites Antilles du Nord.