L'évolution isostatique des marges passives dépend de l'amincissement de la croûte continentale, de la production magmatique, de la perturbation thermique de la lithosphère pendant le rifting et de son rééquilibrage après le rift, ainsi que du poids des sédiments. Les variations eustatiques globales ou plus locales dans le cas de bassins isolés doivent également être prises en compte afin de proposer des reconstructions paléobathymétriques réalistes lors des premiers stades de l'expansion océanique.
De ce point de vue, l'ouverture de l'océan Atlantique Centrale est particulièrement intéressante. Après un rifting triasique, la marge passive de la Nouvelle-Écosse (Canada) enregistre des dépôts salifères lors de la rupture continentale qui a lieu au début du Jurassique. Afin de contraindre l'évolution de la subsidence depuis le dépôt du sel triasique jusqu'au Crétacé alors que l'accrétion océanique est bien engagée, nous avons utilisé une technique de "backstripping flexural" qui restaure la subsidence thermique post-rift tout en prenant en compte les effets de la décompaction et les variations eustatiques.
Les prédictions paléobathymétriques sont consistantes avec les observations sismiques et les environnements de dépôts déduits de la biostratigraphie sur le plateau continental. Des différences significatives sont observées dans la marge distale mais sont expliquées par des mouvements du sel après son dépôt. Les paléobathymétries modélisées pour la première croûte océanique, varient de 2 à 2,5 km de profondeur ; comme attendu dans le cas d'une dorsale océanique naissante.
La croûte océanique au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse présente néanmoins des séquences de réflecteurs pentés vers la mer ("seaward dipping reflectors" - SDRs). Leur morphologie ressemble à celle des marges volcaniques telles que les marges norvégienne et groenlandaise (Atlantique Nord), où les résultats des forages indiquent que les SDRs les plus internes correspondent à des coulées de lave mises en place juste au-dessus du niveau de la mer. Cependant, près de 2km de bathymétrie est prédite pour ceux de la marge de la Nouvelle- Écosse. Ces résultats suggèrent que, contrairement aux attentes, la subsidence des SDRs de la marge de la Nouvelle-Écosse, et plus généralement des marges volcaniques n'est pas uniquement contrôlée par la subsidence thermique post-rift.