Afin de mieux contraindre la chronologie de la crise de salinité messinienne (CSM) à terre et de fournir de nouvelles observations sur la position stratigraphique de la surface d'érosion messinienne ainsi que des preuves de la continentalisation, nous avons étudié la succession Mio-Pléistocène de l'île d'Ibiza, idéalement située entre les bassins messiniens périphériques du sud-est de l'Espagne et le gypse lié à la CSM du bassin de Palma (Mallorca).
Cinq unités lithologiques sont identifiées et comparées à celles connues sur l'île de Majorque. L'équivalent de l'unité "récifale", principalement d'âge Tortonien, est composé de faciès de rampe médiane à interne. Elle est recouverte par des cônes alluviaux côtiers mis en place en contexte tectonique extensif, puis par une unité carbonatée riche en oolithes et microbialites attribuée au Terminal Carbonate Complex (TCC) d'âge messinien. Les argiles rouges sus-jacentes fossilisant des paléosols et des colluvions témoignent d'une phase de continentalisation à la fin du Miocène. Cet épisode régressif est mis en évidence par la karstification et l'érosion incisant les unités antérieures à la crise et façonnant des calas. La surface d'érosion est liée à l'acmé de la CSM, une chute importante du niveau de la mer, et est ensuite scellée par des calcarénites côtières du Pliocène ou par des éolianites du Pléistocène.
La vidange du bassin a conduit à un effondrement global, qui est enregistré sur tous les domaines de pente des marges méditerranéennes. Nous documentons cet effondrement pour la première fois en onshore par des événements gravitaires syn-MSC tels que des coulées de boue, des remontées de fluides géothermiques sous pression et des glissements du TCC. L'imbrication de ces phénomènes d'origine multiple (diminution du niveau de base, changement climatique, activité géothermique, transfert de sédiments) contribue au remodelage onshore/offshore des marges méditerranéennes pendant les changements environnementaux majeurs de la crise de salinité messinienne.