Les suintements froids comptent parmi les habitats marins les plus extrêmes où sont émis sulfure d'hydrogène, méthane et autres fluides riches en hydrocarbures. Ils abritent néanmoins de riches communautés biologiques structurées autour de la chimiosynthèse plutôt que de la photosynthèse. La Formation des Terres Noires (Bathonien–Oxfordien) dans le bassin du Sud-est de la France renferme des corps sédimentaires longtemps restés énigmatiques et maintenant associés à l'activité de suintements froids. Nous décrivons l'affleurement de Sahune, dans le département de la Drôme, qui illustre un nouveau site d'émission de fluides au Jurassique supérieur, tel que le démontrent les marqueurs géochimiques. La faune associée composée de foraminifères benthiques et planctoniques, radiolaires, crinoïdes, échinoïdes et ostracodes est unique et indique des suintements dans la zone bathyale. L'assemblage de foraminifères et la présence de l'échinoïde irrégulier Tithonia oxfordiana indiquent un âge Oxfordien moyen. Le site de Sahune fournit la plus ancienne communauté d'ostracodes signalée à ce jour dans de tels environnements, ouvrant de nouvelles perspectives sur la compréhension de leurs adaptations à ces conditions extrêmes. L'espèce Procytherura praecoquum semble par exemple inféodée aux zones de suintements et pourrait illustrer le plus ancien exemple connu d'ectosymbiose chez les ostracodes. L'assemblage de Sahune démontre par ailleurs que les communautés d'ostracodes de suintements froids étaient, dès le Jurassique supérieur, composées d'un mélange de taxons de plateformes et de zones profondes oligotrophes. La diversification post-jurassique des ostracodes de suintements froids semble ainsi avoir été la conséquence d'événements de colonisation et de la diversification de familles peuplant ces écosystèmes au moins depuis l'Oxfordien.
- Poster