L'événement Kellwasser est l'une des cinq grandes crises biologiques du Phanérozoïque. Afin de discuter de ses effets sur les faunes d'ostracodes marins, toutes les données bien datées de la littérature ont été rassemblées. Nous estimons qu'à l'échelle globale, l'événement Kellwasser a été responsable de la disparition de 80% de leur diversité spécifique. Cependant, l'effet sur ces crustacés a été géographiquement hétérogène, avec des valeurs variant de 61% à 91% selon les zones, probablement sous l'influence de paramètres locaux.

Nos analyses montrent que cet événement a surtout affecté la diversité des ostracodes à bas niveaux taxinomiques (espèces et genres). Les ostracodes benthiques néritiques et thuringiens (bathyaux) ont été fortement affectés. Cependant, les données sur les taxons thuringiens du Frasnien sont encore trop parcellaires pour en tirer des tendances claires. Cet événement a également affecté les taxons pélagiques, principalement représentés par les Entomozoidae. Cependant, ils ont été moins touchés que les taxons benthiques à l'échelle globale. Avec Bairdia (Bairdiidae), ils font partie des taxons les plus diversifiés au sein des assemblages événementiels, suggérant une tolérance à l'appauvrissement en oxygène. Cette hypothèse a déjà été proposée pour les Bairdia à la transition Permien-Trias.

Nous montrons également que la récupération post-événementielle est principalement caractérisée par la diversification de deux catégories d'ostracodes. La première correspond à des taxons cosmopolites, en particulier les Bairdiidae et les Bairdiocyprididae. La seconde correspond aux taxons thuringiens, en particulier les Bythocytheridae et, dans une moindre mesure, les Healdiidae, Tricorninidae et Rectonariidae. Une augmentation globale de l'endémisme est observée et peut être liée à la diversification des taxons thuringiens qui vivaient principalement dans des eaux profondes, ce qui a entraîné des différences accrues dans la composition taxinomique des différents compartiments paléoenvironnementaux. La régression marine de la fin du Frasnien pourrait également avoir contribué à l'augmentation de l'endémisme en réduisant les échanges fauniques entre les habitats néritiques de différentes zones géographiques.