Situé entre la côte ouest du Cotentin et l'île de Jersey, le passage de la Déroute a la réputation d'une zone à forte hydrodynamique. Le trait de côte et la morphologie des fonds marins complexes interfèrent avec les agents hydrodynamiques : la marée macro à mégatidale est à l'origine de puissants courants et de gyres locaux, les houles sont fortement diffractées et réfractées. Cette complexité de la dynamique de la masse d'eau se transmet à la dynamique sédimentaire et est à l'origine de l'hétérométrie du sédiment.

Lors d'une campagne de prélèvements, les fractions graveleuses sont apparues riches en maërl, coquilles et débris coquilliers, sources potentielles de fractions sableuses après fragmentation.

Pour vérifier cette hypothèse, des analyses géochimiques, par fluorescence X, de maërl et de coquilles prélevées dans les fractions graveleuses ont été réalisées. Le rapport Sr/Ca (Sr = Strontium et Ca = Calcium) a des signatures différentes pour chacune de ces deux sources. Cette spécificité ouvre la possibilité de quantifier la proportion de chacune des sources dans les carbonates des différentes fractions granulométriques.

Vingt-quatre fractions granulométriques ont été séparées et analysées (de < 20 mm à 12,5 mm) soit 5 fractions dans les vases (< 50 mm), 16 fractions dans les sables (50-2000 mm) et 3 fractions graveleuses sur 35 échantillons. Les résultats géochimiques obtenus permettent de reconstruire deux courbes représentant l'évolution de la quantité de 1) maërl 2) de coquilles en fonction de la taille des particules et de déterminer les paramètres statistiques classiques les décrivant (moyenne, sorting, skewness). Cette approche autorise la mise en œuvre de l'approche type STA définie pour interpréter les variations spatiales des paramètres granulométriques en termes de transport.

Les premiers résultats obtenus sur la zone d'étude permet de localiser les sources (maërl et coquilles) et d'étudier la fragmentation de ces particules carbonatées. Ainsi, à partir de sa zone source graveleuse, le maërl produit des sables transportés au contact du fond puis des fractions fines transportées en suspension. Ces dernières se déposent dans les zones abritées que sont les dépressions morphologiques. Il apparait donc que la dynamique de transport/dépôt de chaque fraction est différente.