L'île de Taiwan est soumise à une forte sismicité (22 séismes de Mw>7 en 100 ans), et un contexte climatique et atmosphérique particulièrement extrême (~4 typhons/an). Ces conditions présentent un aléa conséquent et l'île constitue un observatoire idéal pour l'enregistrement et l'étude des événements telluriques et météorologiques extrêmes.
À terre, les processus d'érosion dominent, et les enregistrements sédimentaires sont souvent ponctuels et/ou discontinus. En mer, les dépôts liés aux courants de turbidité d'origine co-sismique ou climatique fournissent des archives plus longues et complètes (Quaternaire terminal). Ce travail s'appuie sur trois carottes marines prélevées à l'Est de Taiwan dans des systèmes turbiditiques distaux (campagne EAGER).
Les carottes échantillonnent deux bassins de l'avant-arc de Ryukyu (Nanao et Est Nanao) et un haut structural qui les sépare. Le bassin de Nanao est alimenté par les canyons directement reliés à Taïwan, tandis qu'Est Nanao collecte les débordements des courants de turbidité du premier bassin, avec une alimentation secondaire de la pente de Ryukyu. Trois types de turbidites s'observent : A)des turbidites simples, B)des turbidites amalgamées, et C)des turbidites métriques surmontées d'une homogénite, uniquement dans le bassin Est.
Les dépôts gravitaires sont majoritairement terrigènes (fragments métamorphiques, micas, débris végétaux...), attestant d'une source détritique de Taïwan. Cependant, certaines turbidites ou pulses sont presque exclusivement biogènes (foraminifères), suggérant une origine marine, issue de déstabilisations de la couverture hémipélagique de la pente.
Des datations 14C du contenu des turbidites indiquent une accumulation de ~10m/ka à l'ouest, de 0.2 à 1.7m/ka à l'Est. On peut alors estimer un événement tous les ~35 à ~210 ans d'Ouest en Est.
La variété des faciès sédimentaires gravitaires peut être reliée à une diversité de facteurs déclenchants des instabilités et écoulements gravitaires: 1)turbidite simple causée par un typhon ou un séisme modéré, 2)turbidite multi-pulse associée à des déstabilisations synchrones par un séisme de forte magnitude, 3)turbidite à homogénite impliquant probablement un tsunami et l'oscillation de la colonne d'eau.
Le travail en cours permettra de définir si les variations de fréquences d'Est en Ouest sont dues à la perte d'énergie de l'écoulement, au seuil topographique, ou à une sismicité moins intense à l'Est.