La période comprise entre 2,27 Ma et 1,76 Ma est une période clé dans l'histoire évolutionnaire de nos ancêtres en Afrique orientale et notamment dans la Dépression du Turkana (Kenya / Éthiopie). Cet intervalle de temps coïncide avec l'apparition de certaines espèces d'hominidés, parmi lesquelles Homo rudolfensis (ainsi que sa disparition), Homo habilis, et Homo erectus. Elle correspond également à la première expansion humaine en Eurasie, ainsi qu'à l'avènement de l'Oldowayen classique et à l'apparition de la technologie acheuléenne.
Dans cette contribution, notre objectif est de reconstruire l'évolution des environnements et des paysages sédimentaires dans la Basse Vallée de l'Omo (Éthiopie) entre 2,27 et 1,76 Ma pour mieux comprendre les pressions extérieures potentielles sur ces évolutions biologiques et culturelles. Nous présenterons l'évolution des dynamiques paysagères et discuterons des forçages à l'origine de cette évolution. À partir de l'analyse sédimentologique et géochimique des membres G, H et J de la Formation de Shungura, nos résultats montrent que la Basse Vallée de l'Omo a d'abord été occupée par un vaste système fluviatile en méandres entre 2,27 et 2,06 Ma. Vers 2,06 Ma, une transgression lacustre majeure est à l'origine de l'ennoiement de la vallée et de l'installation du haut-niveau lacustre « Lorenyang ». Ce haut-niveau Lorenyang a persisté jusque vers 1.76 Ma. En parallèle, les variations de paléo-précipitations (via les indices CIA, PIA et WIP) et de l'aridité (K/Zr) dans le bassin versant de la rivière Omo, ainsi que les variations d'alcalinité (Sr/Ba) du paléolac Turkana ont été reconstruites. Les résultats obtenus indiquent une tendance générale à la diminution des précipitations et une augmentation de l'aridité tout au long de la période. Cependant, un intervalle d'augmentation des précipitations est observé à partir de 2,06 Ma, considéré comme étant à l'origine de la transgression lacustre du haut-niveau Lorenyang. Dans le même temps, l'évolution de l'alcalinité du paléolac Turkana soutient l'hypothèse d'un lac endoréique jusque 1,96 Ma, avant son déversement dans le bassin versant du Nil. Cette phase humide a aussi été identifiée en Afar à la même période et semble donc marquer une phase particulièrement humide sur le dôme éthiopien.