La malachite est un carbonate de Cu hydraté caractéristique des zones d'oxydation d'un minerai de cuivre primaire sulfuré. Lors d'une altération supergène, la malachite se forme pendant la percolation d'eaux oxydantes de nature météorique, phréatique ou marine à travers une porosité granulaire ou de fracture. Si la malachite est préservée, elle constitue ainsi un excellent proxy des stades d'altération supergène du minerai sulfuré et donc des conditions de profondeur, de fracturation et d'hydrologie subies par le bâti minéralisé. Dater la cristallisation de la malachite permettrait donc d'appréhender des évènements tectono-climatiques.

Sur des échantillons minéralisés de l'Anti-Atlas marocain, pour la première fois, nous avons obtenu des datations U/Pb sur malachite en LA-ICPMS. Ces minéralisations cuprifères à sulfures et malachite sont encaissés à la base de la couverture sédimentaire de la boutonnière de Bou Azzer el Graara. Les minéralisations se présentent sous deux morphotypes : les « stratabound » et les « foldedband ». Ces deux types présentent une séquence paragénétique similaire avec un stade final dit « oxydé », caractérisé par de la malachite et de la chrysocolle. Des textures internes de veines attestent du caractère syn-tectonique d'une génération de malachite.

La datation de la malachite montre un cluster de dates entre ca. 60 et 35 Ma et un autre plus jeune que 10 Ma. Des calcites texturalement en équilibre avec les malachites du premier cluster fournissent un âge U/Pb de 67.2 ± 5.8 Ma. Les concentrations en uranium sont bien plus élevées dans les minéraux supergènes (20-500 ppm) que dans ceux accompagnant la minéralisation primaire (1 ppm), suggérant l'entrée d'uranium exotique par un fluide externe. Cette hypothèse est renforcée par des rapports 207Pb/206Pb initiaux faibles (0.5259 à 0.8075) vers 10 Ma par exemple. Ces dates concentrées à la fin du Mésozoïque et début Cénozoïque correspondent à un soulèvement important du Haut-Atlas qui se répercute jusque dans l'Anti-Atlas. Ces dates obtenues sur malachite correspondraient aux âges de la remobilisation et de l'altération supergène de la minéralisation, aidée par la tectonique du cycle alpin et un climat propices à la circulation de fluides superficiels enrichis en uranium provenant d'un autre réservoir.